L'allaitement dans la théorie
Les données de l’étude «PROMISE» (1) ont démontré que la probabilité de transmission du VIH pendant l’allaitement est d’environ 1%-5% lorsque la personne qui allaite à accès à une médication antirétrovirale, comparativement à environ 16% en l’absence d’un traitement. Parmi les 8 cas de transmission qui ont été observés au cours de cette recherche, 2 se sont produits alors que les mamans avaient une Charge virale Indétectable; c’est pourquoi on parle aujourd’hui de «risque réduit» de transmission du VIH pendant l’allaitement pour les personnes indétectables, mais toujours pas de «risque zéro», comme on le fait par exemple lorsqu’on parle de la transmission sexuelle dans le contexte de «I=I».
Puisque l’on ne peut pas affirmer sans aucun doute un «risque zéro» de transmission, l’utilisation des préparations commerciales pour l’alimentation des nourrissons est toujours aujourd’hui préconisée dans notre contexte canadien privilégié et riche en ressources (2) . L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande toutefois aux personnes qui ne vivent pas dans un lieu où l’accès à l’eau potable est garanti de favoriser si possible l’allaitement afin d’éviter les infections propagées par l’eau insalubre (3).
L'allaitement dans la réalité
Si ces recommandations semblent simples sur papier, nous savons que les réalités du vécu ne le sont pas, et qu’il est tout à fait possible que les solutions proposées pour une région ne soient pas bien adaptées à la situation particulière d’une personne qui y vit. Ainsi, bien qu’en théorie, l’utilisation de préparations commerciales pour nourrissons demeure la principale recommandation au Canada, nous savons que dans la réalité, certaines personnes choisissent néanmoins d’allaiter leur enfant.
Kazmi et al. ont analysé rétrospectivement les données de 20 mamans canadiennes vivant avec le VIH qui ont fait le choix d’allaiter leurs enfants (26 enfants) entre 2018 et 2022 (4). Toutes les mamans suivaient un traitement Antirétroviral pendant leur grossesse, et 92% d’entre elles avaient une charge virale indétectable au moment de l’accouchement. Les 26 enfants nés de ces mamans ont reçu une prophylaxie post-exposition pour toute la durée de l’allaitement, et jusqu’à 1 mois après le sevrage. Aucune transmission verticale du VIH n’a été observée chez ces nourrissons pendant cette période.
Les mamans ayant choisi l’allaitement ont principalement fait ce choix afin de favoriser leur lien d’attachement avec leur enfant, et pour que leur enfant puisse bénéficier des effets positifs documentés de l’allaitement pour la santé des nourrissons. Certaines ont aussi fait ce choix afin d’éviter de devoir dévoiler leur Statut sérologique dans des contextes ou l’utilisation de préparations commerciales serait autrement difficilement justifiable, ou socialement mal vue.
Les équipes de recherche et les clinicien·nes qui ont assisté à la présentation de ces données lors du Congrès annuel canadien de recherche sur le VIH/sida (CAHR, ACRV) de 2023 ont fortement insisté sur l’importance et sur leur désir de toujours garder le dialogue ouvert avec leurs patient·es. Iels ont rappelé que leur rôle n’est jamais de juger les décisions des futurs parents, mais au contraire, de les soutenir au mieux dans leurs réflexions et leurs décisions.
Ainsi, si vous avez des doutes, des questions ou des inquiétudes à propos de l’alimentation de votre nourrisson, nous vous invitons chaleureusement à en parler avec un.e professionnel·le de santé. Votre équipe de soin est là pour vous informer et pour vous aider à faire les meilleurs choix pour vous et pour votre famille.
Pour plus d’informations au sujet de l’allaitement, vous pouvez consulter le guides «Ce que nous savons (et ne savons pas) sur le risque de transmission du VIH par l’allaitement» (CATIE) : https://www.catie.ca/fr/point-de-mire-sur-la-prevention/ce-que-nous-savons-et-ne-savons-pas-sur-le-risque-de-transmission
Le saviez-vous?
Le Programme provincial de préparation commerciale pour nourrissons (P3CN) vise à offrir gratuitement de la préparation commerciale pour nourrissons aux bébés âgés de 0 à 12 mois nés d’une maman vivant avec le VIH au Québec.
Il est possible de se faire rembourser l’équivalent d’une caisse de concentré liquide ou de concentré en poudre (marque au choix) par semaine, et ce, jusqu’à ce que bébé soit âgé de 12 mois. Les personnes qui étaient éligibles en date du 1er avril 2021 peuvent possiblement avoir droit à un remboursement rétroactif de $40 par semaine.
Pour plus d’informations, pour toutes questions ou pour vérifier votre admissibilité, vous pouvez communiquer avec l'équipe du programme à : p3cn.hsj@ssss.gouv.qc.ca
Références
(1) PROMISE Study Team (2018). Prevention of HIV-1 Transmission Through Breastfeeding: Efficacy and Safety of Maternal Antiretroviral Therapy Versus Infant Nevirapine Prophylaxis for Duration of Breastfeeding in HIV-1-Infected Women With High CD4 Cell Count (IMPAACT PROMISE): A Randomized, Open-Label, Clinical Trial. https://doi.org/10.1097/QAI.0000000000001612
(2) Khan et al. (2023) Canadian Paediatric and Perinatal HIV/AIDS Research Group consensus recommendations for infant feeding in the HIV context. Disponible: https://www.hivnet.ubc.ca/wp-content/uploads/2023/02/jammi-2022-11-03.pdf
(3) World Health Organization (WHO) & UNICEF (2016). Updates on HIV and infant feeding. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/246260/9789241549707-eng.pdf
(4) Kazmi et al. (abstract- CAHR 2023)(en anglais) Breastfeeding by mothers living with HIV in Toronto, Canada: A 7-year retrospective review of management and outcomes. Disponible dans le livret d’abrégés, p.65 : https://www.cahr-acrv.ca/wp-content/uploads/2023/04/CAHR2023-Abstract-Book_as-of-April-24.pdf